dimanche 22 novembre 2015

Mon avis sur "Debout-payé" de Gauz

Gauz est le nom d'auteur d'Armand Patrick Gbaka-Brédé, né à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Photographe, scénariste, rédacteur en chef d'un journal économique satirique ivoirien, Gauz est également auteur du roman Debout-Payé qui vient de paraître au format PocheC'est ce roman que j'ai choisi de chroniquer ce mois-ci pour Le Livre de Poche. 

Salué par la critique, notamment pour la qualité de son style, pour sa satire à la fibre sociale et son humour, Debout-payé a reçu le prix des libraires Gibert Joseph.

Rester debout pour gagner sa pitance, telle est la signification de Debout-payé. Au motif que "les Noirs sont costauds, les Noirs sont grands, les Noirs sont forts, les Noirs sont obéissants, les Noirs font peur", les Noirs sont faits pour être vigile. Un métier debout-payé qui leur sied si bien...

Debout-payé est le roman d'Ossiri, étudiant ivoirien devenu vigile après avoir atterri sans papiers à Paris en 1990. Gauz porte un regard critique sur nos comportements de consommateurs à travers certes, le prisme du Camaïeu de Bastille et le Séphora des Champs-Elysées, pourtant l'essentiel du livre est ailleurs.
Debout-payé
traite avant tout des relations politiques entre la France et l'Afrique, de la colonisation et de l'épopée de l'immigration africaine. Debout-payé raconte comment les sans-papiers sont parqués dans des cités HLM où "visiblement, les urbanistes, qui avaient dessiné les plans des Courtilleraies ne buvaient pas que de l'eau claire", comment "ils vivent seul sur le fil tendu au-dessus du précipice de la reconduite à la frontière". Cette reconduite à la frontière qui inspira longtemps à Ossiri "un voyage bucolique à travers prés et champs, accompagné par une cour joyeuse et bruyante, jusqu'à une frontière imaginaire pleine de mystères enchanteurs". Loin d'être naïf, Ossiri savait qu'avant la reconduite à la frontière, il y avait la case prison.    

Debout-payé est un roman social et sociétal cruellement d'actualité. De la tolérance à l'intolérance. De l'âge de bronze (1960-1980) qui a toléré les sans-papiers, à l'âge d'or (1990-2000) qui leur a permis de travailler et d'envoyer de l'argent au pays, pour finalement aboutir à l'âge de plomb, post 11 septembre où le monde a basculé dans la paranoïa. Ossiri comme tant d'autres, perdra son travail et ne vivra plus qu'avec la peur. La peur d'être reconduit à la frontière. 

Parallèlement à la condition de ces migrants, c'est une comédie humaine qui se joue. Gauz plaide la cause de ces Debout-payés que l'on ne voit pas et à qui pourtant, rien n'échappe, pas même nos dérives consuméristes. C'est avec un certain humour un brin caustique que Gauz nous interpelle. Réflexe de photographe oblige, une série d'instantanés vient illustrer son plaidoyer pour ces hommes qui veillent sur notre sécurité et celle des produits de luxe. Le ton de Debout-payé est vif, sarcastique. Sa construction est habile. Gauz alterne légèreté et gravité, les clichés et le récit de l'immigration africaine. 

Alors, pour mieux comprendre les migrants, pour porter un autre regard sur ceux qui assurent notre sécurité dans les magasins que nous fréquenterons malgré tout à l'approche des fêtes, Debout-payé est un roman à découvrir.
 
Bonne lecture et encore merci au Livre de Poche !