dimanche 13 septembre 2015

Mon avis sur "Les collines d'eucalyptus" de Duong Thu Huong

Duong Thu Huong est une romancière et dissidente politique vietnamienne. Elle a participé dans les années 1980 à la renaissance littéraire de son pays natal, s'est opposée au parti communisme en dénonçant les abus de pouvoir et s'est battue pour l'instauration de la démocratie. Ses combats lui auront valu des pressions, huit mois d'emprisonnement et quelques autres ennuis. Si elle pu être libérée, c'est grâce à la mobilisation de la France et des États-Unis qui appréciaient outre la femme, son talent. Assignée à résidence, ce n'est qu'en 2006 qu'elle s'installera en France.
Lorsque cette femme
d'engagement au parcours de vie exceptionnel publie un roman, c'est toujours un évènement. Je dois bien avouer que lorsque j'ai découvert la sélection du mois d'Août du Prix des lecteurs du Livre de Poche, j'ai de suite su que mon vote lui serait acquis et j'espérais qu'elle ferait partie de la sélection finale. Malheureusement, la majorité du jury en a décidé autrement. Peu importe, voici une auteure et un livre à découvrir.

Les collines d’eucalyptus est le dernier roman de Duong Thu Huong. Il a été publié en 2013. 
Ce roman est inspiré d'une histoire vraie. La disparition au Vietnam, en 1987, d'un jeune homme promis à un brillant avenir. Ses parents appellent au secours leur cousine, Duong Thu Huong, en espérant que ses connaissances dans le milieu politique et policier pourront les aider à retrouver leur fils. Mais les recherches resteront vaines. Marquée par ce drame Duong Thu Huong a imaginé à travers deux romans, les raisons de la disparition de ce jeune homme de 16 ans. Dans Sanctuaire du cœur (2011) elle supposait qu'il fuyait un amour incestueux avec sa sœur adoptive et devenait gigolo. Dans  Les Collines d'eucalyptus,  il fuit parce qu'il lui est insoutenable d'avouer son homosexualité à ses parents et qu'il veut leur épargner la honte et le déshonneur.

Thanh, jeune homme sans histoire, excellent élève et fils modèle, est homosexuel. Son destin va basculer. Il va tomber sous la coupe d'un mauvais garçon, Phu Vuong. Thanh va fuir sa famille et sa ville natale après avoir volé les économies de sa mère qu'il adore. Avec son amant oisif, voleur, manipulateur, il partira à Dalat dans le sud du Vietnam. Ils vivront de petits jobs, le temps d'obtenir leurs papiers. Malgré les excès de son compagnon et ses mauvais comportements,  Thanh ne trouvera pas la force de s'en défaire. Il se sentira désespérément seul. Il ne parviendra pas à se confier, même pas à Tiên Lai, un homme délicat et propriétaire du salon de coiffure le plus huppé de Dalat. A cause des agissements de Phu Vuong, Thanh devra de nouveau fuir. Destination Saigon, où il pourra trouver refuge dans l'anonymat de la métropole, du moins c'est ce qu'il pense. Il se délestera enfin de son boulet de compagnon, mais le recroisera. A Saigon, Thanh rencontrera Hai.  Ensemble, ils ouvriront un salon de coiffure. Mais le destin de Thanh le conduira ailleurs, là où la liberté n'est plus. Thanh a été condamné aux travaux forcés. Est-ce là qu'il finira sa vie ? Ce que je peux vous dire c'est ici que commence Les Collines d'eucalyptus.

Des lambeaux de brouillard stagnent encore au-delà de la faille rocheuse, alors que les premiers rayons du soleil effleurent déjà la cime des arbres de ce côté-ci. Soudain, tel un filet de fumée, la brume monte au ciel et se fond dans les nuages, les métamorphosant en gigantesques boules de coton. Le paysage se transforme, fantastique. La nature semble une vaste scène de théâtre qu'envahiraient les fumées et la neige artificielle produites par des engins modernes.
Ce n'est pas un théâtre, c'est le bagne, pense Thanh, amer.

Fanny Taillandier de Livres Hebdo a écrit à propos de ce livre "C'est une des forces de ce roman que de célébrer la poésie du monde à chaque page et au milieu de chaque drame". Les collines d'eucalyptus -comme tous les romans de Duong Thu Huong- c'est exactement cela. 
Dès les premières lignes, le temps s'arrête. Nous voici transportés ailleurs, au cœur du Vietnam avec son régime, ses mœurs, ses tabous, ses odeurs, sa culture, à la poursuite du destin de Thanh.
La plume 
de Duong Thu Huong est toujours aussi gracieuse, sensible, alerte et précise. Ses propos sont engagés, intelligents, profondément humains. On enchaîne sans s'en rendre compte, les pages les unes après les autres et les heures de lecture.
Alors si vous ne connaissez pas encore cette auteure, je ne peux que vous conseiller de vous procurer ses livres, bonheur assuré. Et promis si Duong Thu Huong est conviée à la soirée de remise du Prix des lecteurs qui se tiendra dans quelques jours, j'irai lui dire mon admiration et ô combien j'aurai aimé qu'elle remporte ce prix, parce que dans ses oeuvres, c'est bien de littérature qu'il s'agit !

Bonne lecture !


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